25/11/2025 francais.rt.com  6min #297248

 Lavrov au sujet du discours du chef d'état-major français

Ukraine, Europe et perspectives de dialogue : les messages clés de Lavrov dans son entretien au Dialogue franco-russe

© RIA NOVOSTI Source: Sputnik

Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères

Le chef de la diplomatie russe accuse l'Occident d'avoir saboté les tentatives de paix, alimenté le conflit et étouffé toute voix dissidente. Tandis que l'Europe s'enfonce dans une crise d'identité, Moscou reste ferme, dénonçant l'hypocrisie des élites, les mensonges médiatiques et le refus de l'ONU d'enquêter sur les crimes commis par Kiev.

Dans une interview accordée à l'association « Dialogue franco-russe » le 21 novembre, Sergueï Lavrov a dressé un tableau sans concession de la situation géopolitique actuelle, évoquant l'Ukraine, les manœuvres de l'Occident et la place de la France.

À propos du plan de paix initié par le président Donald Trump, le ministre a dénoncé les incohérences du régime de Kiev. « Trop de choses incompréhensibles se passent », a-t-il souligné, relevant les contradictions entre les déclarations de Zelensky et celles de ses représentants. Moscou, affirme-t-il, reste prête à dialoguer, mais uniquement si les causes profondes du conflit sont abordées : l'élargissement de l'OTAN et la politique agressivement antirusse menée depuis Kiev. Lavrov a précisé que Trump n'avait formulé aucune exigence envers Moscou et que les obstacles venaient exclusivement de Kiev, qui bloque toute avancée sérieuse.

Le ministre s'est montré sévère envers les dirigeants européens, qu'il accuse d'avoir « misé sur une défaite stratégique de la Russie » en utilisant Kiev comme instrument. « Leur arrogance reflète leur peur », a-t-il affirmé, dénonçant une Europe alignée sans condition sur les intérêts de Washington, tant sur le plan militaire que diplomatique. Il a ajouté que les élites européennes ne redoutaient pas la Russie, mais leurs propres peuples, d'où leur volonté de restreindre toute remise en question publique. Sergueï Lavrov a d'ailleurs cité le cas de Kaja Kallas, la qualifiant de dirigeante hystérique, appelant ouvertement à la guerre contre Moscou. Il a dénoncé son extrémisme et l'a invitée à « apprendre l'histoire » au lieu de la réécrire.

Il est revenu sur l'épisode d'avril 2022, lorsque le Premier ministre britannique Boris Johnson a bloqué un accord de paix déjà finalisé entre Moscou et Kiev. « Les États-Unis et le Royaume-Uni manipulent l'Europe », tranche-t-il. Le document, affirme Lavrov, était « pratiquement signé » avant d'être sabordé sous pression anglo-saxonne. Sergueï Lavrov a en revanche salué les rares voix dissidentes au sein de l'Union, notamment celles de Viktor Orban, Robert Fico et Andrej Babis, « des dirigeants qui pensent à leur peuple, pas à faire plaisir à Washington ».

Propagande, provocations et doubles standards

Le chef de la diplomatie russe a ensuite critiqué ouvertement les institutions internationales, accusées d'alimenter le conflit et la guerre de l'information. Il a par exemple qualifié de « honte » le refus de l'ONU de transmettre la liste des victimes des événements de Boutcha. Pour Sergueï Lavrov, ce silence volontaire illustre une « complicité par omission ». « Ils cachent des informations utilisées à des fins de provocation », dénonce-t-il. Il a également fustigé l'absence totale d'organisations humanitaires occidentales dans les villes russes, comme Donetsk ou Marioupol, où la population ne bénéficie d'aucune aide malgré les besoins évidents.

Face aux accusations occidentales selon lesquelles la Russie ciblerait délibérément les civils, il a répliqué sans détour : « Aucun fait n'a été présenté, uniquement des slogans. » Il rappelle que des attaques comme celles de Kramatorsk ou de Boutcha ont été mises en scène, puis instrumentalisées par « la machine de propagande occidentale ». Il a en outre évoqué les frappes régulières de drones ukrainiens sur des zones civiles russes, notamment à Belgorod, déplorant le silence complet des médias et des chancelleries occidentales face à ces attaques contre des civils russes.

Lavrov a dénoncé un climat de censure généralisée en Europe, où toute opinion dissidente est immédiatement étiquetée comme propagande russe. Il estime que la liberté d'expression a disparu dans les médias occidentaux, remplacée par une pensée unique au service des intérêts américains.

Interrogé sur les récentes déclarations du général français Fabien Mandon, appelant les citoyens à « se préparer à sacrifier leurs enfants » contre la Russie, Sergueï Lavrov s'est dit « stupéfait ». Il y voit le signe d'une escalade verbale irresponsable et d'une militarisation dangereuse de la société française, totalement déconnectée de la réalité stratégique : « La Russie n'a jamais menacé l'Europe. »

Un dialogue économique malgré les tensions

Malgré ce climat tendu, le ministre a tenu à souligner la résilience des relations économiques avec certains acteurs français. « Nous organisons de temps en temps des rencontres à leur demande », confie-t-il, saluant le courage d'« entrepreneurs honnêtes » restés actifs en Russie malgré les pressions politiques.

Il affirme que de nombreuses entreprises européennes commencent à revenir discrètement, notamment en réenregistrant leurs marques commerciales. Certaines le font via des pays tiers comme la Turquie, les Émirats arabes unis ou le Kazakhstan, afin d'éviter l'exposition politique directe. « Ceux qui sont restés ne seront ni expulsés ni discriminés », garantit Sergueï Lavrov.

Évoquant les grandes tendances économiques mondiales, il déplore un système désormais déséquilibré. « Les principes du marché libre, de la concurrence loyale et de l'inviolabilité de la propriété sont aujourd'hui caducs », estime-t-il. Une critique directe des pratiques occidentales, accusées d'avoir renié leurs propres règles au nom des sanctions.

Sur la place de la France dans la diplomatie internationale, le ministre russe des Affaires Étrangères se montre lucide. Il rappelle que le général de Gaulle avait su établir un dialogue d'égal à égal avec Moscou, mais que cette tradition a été « trahie ». Quant à une éventuelle participation d'Emmanuel Macron et de la France aux BRICS, il balaie l'idée d'un revers de main : « Personne ne l'a invité. » Il estime d'ailleurs que cette volonté affichée de rejoindre les BRICS n'est qu'un outil de communication interne utilisé par Macron à des fins électorales. Lavrov souligne également que le G7 « vit ses derniers jours » et que « l'OTAN, l'UE et le G7 sont désormais les trois visages d'une même entité politico-militaire ».

La conclusion concernant la résolution du conflit en Ukraine est sans équivoque : « Nous ne courons pas après les négociations. Lorsqu'ils seront mûrs pour parler sérieusement, nous verrons de quoi discuter. » Pour l'heure, Moscou reste ferme, mais ouverte à un dialogue réel, fondé sur le respect mutuel et la souveraineté.

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